Le Covid-19 a révélé quelque chose que tout le monde voulait cacher : le taux de dépendance ahurissant envers un seul fournisseur, et ceci dans tous les secteurs de l’économie, y compris sur les secteurs vitaux.
Face à une fermeture brusque des frontières et à la rupture brusque de la supply-chain mondiale, les Etats et leurs populations ont connu quelque chose que seuls ceux ayant vécu une guerre ont connu : la pénurie, le marché noir et la loi du plus fort.
Nous avons pu assister ici et là à des actes de pirateries modernes, par des Etats où transitait de la
marchandise vitale, par des services secrets utilisant tous les moyens pour voler ce qui était vital pour leur population.
À la guerre comme à la guerre.
La marchandise vitale, c’est celle qui permet de satisfaire les besoins élémentaires : nourriture, santé, sécurité.
À la suite de ce choc mondial, le monde économique et politique post covid-19 part sur un nouveau
paradigme : fin d’une économie de marché à 100% et réduction du taux de dépendance sur les besoins vitaux et stratégiques.
Chaque pays désormais aura une politique économique sur deux axes :
- Economie Endogène : Souveraineté Economique sur les secteurs vitaux. Production propre
nationale, y compris si la production est moins chère ailleurs que dans le pays. - Economie Exogène : Economie de marché qualitative et quantitative, sur des produits à haute ou basse valeur ajoutée, l’essentiel est que le manque de ces produits n’entraine pas un taux de dépendance excessif par rapport à l’extérieur.
Les grands perdants dans cette histoire sont ceux qui ont une supply chain longue (plusieurs semaines de délais de livraison) ainsi que ceux qui sont sous-traitants de secteurs vitaux dans les pays d’origine.
Dans cette équation, la Chine est doublement perdante sur les courts et moyens termes.
En effet, une grande partie des moyens de production externalisés va revenir progressivement dans les pays acheteurs. Le cout social de ce bouleversement mondial économique obligera et oblige déjà les gouvernants à recréer des ilots de production, à relocaliser pour pouvoir faire face à un chômage qui n’aura jamais été aussi haut depuis la guerre.
Le New Deal Economique est cette fois-ci à l’échelle de toute la planète ; chaque gouvernement n’ayant d’autre choix que de maintenir le pacte social et civil à n’importe quel prix, pour éviter les cristallisations et les revendications révolutionnaires.
Dans ce monde post covid-19, l’Asymétrie économique Nord/Sud change et n’existera plus.
Avant cette pandémie, le monde se dirigeait vers une transformation économique sociale globale portée par trois vecteurs majeurs de changement : La société de l’Information + la 4ème Révolution Industrielle + les Objectifs du Millénaire.
La Société de l’Information, c’est l’accessibilité au Savoir pour tous immédiatement partout sur la planète.
La 4ème Révolution Industrielle, c’est la convergence de 4 branches majeures de domaines technologiques et industriels à la croissance exponentielle, les NBIC (Nanotechnologies / Biotechnologies / Sciences de l’Informatique de la Data et de l’Informatique Quantique / Sciences Cognitives Cerveau et Intelligence Artificielle) conduisant l’humanité à faire un saut qualitatif tout juste inimaginable il y a quelques années.
Ceci nous permet d’explorer l’infini de l’infiniment petit, de l’infiniment grand, de la combinatoire et d’atteindre des puissances de calcul et de résolution de problèmes que l’on pensait impossible à résoudre avant plusieurs siècles, voire jamais.
Les Objectifs du Millénaire, ce sont plusieurs initiatives portées par l’ONU comme le Global Compact, les 17 Objectifs du Développement Durable (ODD /SDGs).
Ces objectifs sont les générateurs de nouvelles normes durables, que le business mondial devra respecter et appliquer.
Le Covid-19, vient donner un coup d’accélérateur à cette transformation globale du monde, avec toutes les opportunités et tous les risques que cela comporte.
Opportunités de création de nouveaux business, poussant l’ancien monde à la retraite.
Risques éthiques sur vitesse du changement sans prendre le temps de faire une transition pacifique. Risque également sur la tentation de créer des choses incontrôlables en by-passant les principes de précaution élémentaires.
Dans ce clair obscur civilisationnel, les relations internationales elles aussi sont en train de se redéfinir.
La Méditerranée a une fois de plus un grand rôle à jouer dans cette transformation mondiale globale, cette transformation civilisationnelle, et l’intelligence nous dicte de faire le bilan des potentialités et des synergies entre les deux rives de cette mer.
Une supply-chain entre les deux rives de moins de 24 h en bateau et moins de 2h d’avion est aujourd’hui encore plus qu’hier un avantage comparatif qui ne souffre d’aucune comparaison avec l’Asie.
La Tunisie est la tête de pont parfaite entre ces deux mondes, ces deux rives, où d’ici 2040 la population africaine fera le ¼ de celle de l’humanité.
Une Tunisie stable et neutre, démocratique, éduquée, tête de pont sur de la haute valeur ajoutée, sur du codéveloppement, sur des synergies créatives permettant d’inventer les métiers et les besoins de demain en devenant la base techno-industrielle d’Afrique du Nord et du continent africain.
L’Afrique aujourd’hui est en train de sélectionner les meilleurs partenaires internationaux capables de transferts technologiques et de partage pour créer de la croissance dans le continent.
La plus grande émigration d’africains aujourd’hui est continentale, non extra-continentale : les africains veulent rester chez eux.
Différentes puissances étrangères à l’Afrique viennent avec une diplomatie économique plus ou moins pragmatique, à l’écoute des besoins locaux et avec des propositions à haute valeur ajoutée.
Il ne faut plus se tromper d’époque.
Mohamed BALGHOUTHI
Expert Achats Industriels & Intelligence Economique
Consultant, Enseignant, Conférencier
Diplômé de l’INPG (Institut National Polytechnique de Grenoble – Génie Industriel) et de GEM (Grenoble Ecole de
Management – Business Management)
LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/mohamedbalghouthi/