Après des relations fortement animées entre la France et Bourguiba, une nouvelle ère marquées par la cordialité et la libération de la tutelle s’est installée durablement dans le temps.
Habib Bourguiba n’a pas manqué les occasions de rappeler que la coopération avec l’Occident est un impératif qui découle des principes de son pays et de sa position géographique.
De son coté, François Mitterrand a considéré quant aux relations franco-tunisiennes que : « Il n’y a pas de contentieux. Sinon que les relations bilatérales doivent être toujours ajustées. Nos relations sont, en fait, actives, fécondes. D’autant plus que l’Histoire a bien voulu que nos deux peuples puissent franchir les étapes difficiles. En sachant conserver l’essentiel, et, finalement choisir l’harmonie plutôt que la contradiction».
De François Mitterrand à Nicolas Sarkozy, la France a toujours montré son soutien et sa sympathie pour le régime de Zine El Abidine Ben Ali, considéré comme un rempart infaillible contre la menace islamiste.
Mais après le fameux soulèvement très peu spontané du 14 janvier 2011, les relations franco-tunisiennes ont connu un décalage stupéfiant avec le renversement du régime par les islamistes.
Beaucoup d’observateurs s’accordent sur la défaillance de la diplomatie française à cette époque charnière de l’histoire de la Tunisie, une défaillance qui lui a valu le rang du « suiveur » du leadership américain dans la région.
Sous le règne de Nicolas Sarkozy, s’ouvre en Tunisie un nouveau chapitre avec la mouvance islamiste au pouvoir, l’ancien Président Français avait alors admis « son erreur » lors d’une conférence de presse en expliquant que : « Derrière l’émancipation des femmes, l’effort d’éducation et de formation, le dynamisme économique, l’émergence d’une classe moyenne, il y avait une désespérance, une souffrance, un sentiment d’étouffer dont, il nous faut le reconnaitre, nous n’avions pas pris la juste mesure. »
L’ouverture de l’ancien Président Sarkozy au rêve Qatari, s’est traduite par l’implication de l’ancien ambassadeur de France en Tunisie, Boris Boillon en 2012 dans l’accompagnement des islamistes qui détenaient entre les mains les commandes de l’État.
Dans un livre, intitulé : « Une France sous influence , Vanessa Ratignier et Pierre Péan racontent comment la France est devenue le terrain de jeu préféré du Qatar, la diplomatie française en Tunisie en a subi les conséquences.
Le terrain français n’est pas resté quant à lui indemne, la complaisance de Nicolas Sarkozy avec le projet porté par le Qatar a couté des dizaines de vies de citoyens français lâchement assassinés par les adeptes du wahabisme, une France menacée par le terrorisme et une République symboliquement et régulièrement attaquée.
Les dégâts du favoritisme sarkozien pour ses nouveaux amis, se font ressentir encore des deux cotés de la Méditerranée, inutile de rappeler tous les faits macabres.
La succession de François Hollande de Nicolas Sarkozy assure à son tour la fluidité des rapports avec le trio gouvernemental tunisien conduit par les islamistes, en se rendant à Tunis un jour du mois de Février 2014, Hollande n’a pas manqué de manifester son soutien au peuple tunisien pour l’accomplissement de sa révolution et de saluer l’aboutissement de la nouvelle constitution qui pour lui, présentait : « Un texte de progrès à vocation universelle », que : « L’islam est compatible avec démocratie» et que la Constitution de 2014 « est un exemple pour les autres pays ».
Nous rappelons à juste titre que ce texte « à vocation universelle, et l’exemple pour les autres pays » constitue aujourd’hui l’un des points fondamentalement bloquants de la situation politique inédite de la Tunisie de 2021.
En dépit d’un cumul accablant des erreurs de jugement et des mauvais choix des mots et des alliés, la diplomatie française est restée entre 2011 et 2017 solidaire avec la Tunisie mais au même temps effacée au plus grand profit de l’un des ses voisins européens qui a sillonné activement le champ de la Tunisie d’après 2011, avec des averses de prêts et de dons frôlant plus d’un quart de milliard d’euros.
Le rôle de ce pays européen, voisin de la France , s’est entendu jusqu’au forcing pour la nomination de Mehdi Jomoaa à la tête du gouvernement en 2014 et à son soutien comme l’avait déclaré l’ambassadeur allemand à Tunis.
Aussitôt nommé, Mehdi Jomoaa s’envole pour Berlin en visite officielle afin d’assister au forum économique tuniso-allemand en présence de 200 hommes d’affaires allemands et 20 chefs d’entreprises tunisiens.
L’amabilité allemande envers la Tunisie s’est toutefois fracassée subitement au lendemain du 25 juillet avec les déclarations glaçantes de la porte parole du ministère des affaires étrangères, Maria Adebahr, qui n’a pas hésité a dire que : « Il est maintenant important de revenir rapidement à l’ordre constitutionnel. Nous appelons toutes les parties à garantir le maintien et la mise en œuvre de la Constitution, ce qui inclut également de notre point de vue les droits civils et les libertés ».
Nous n’oublions pas au passage, la phrase dépourvue de raffinement prononcée le 24 aout dernier par le député Européen, (allemand) chargé des Affaires Étrangères du groupe européen Parti Populaire Européen, Michael Gahler : » C’est avec horreur que j’ai appris la nouvelle sur la prolongation de la suspension du parlement tunisien à durée indéterminée. C’est une attaque contre le cœur de la démocratie tunisienne. »
Je n’ose imaginer l’effet de telles déclarations si elles auraient été émises par la diplomatie française, qui au regard de ses rapports économiques avec la Tunisie, son rôle dans la négociation de la dette tunisienne et ses liens historiques, aurait pu s’obliger a un devoir de conseil.
Le choix des formes, des mots et du ton ne semblent pas être l’une des préoccupations de la diplomatie allemande en Tunisie, lorsque le vent vire pour une nouvelle direction qui ne leur est pas très commode.
Tout comme les États Unis, la priorité de la politique allemande est l’économie et derrière une politique alternative au «néo colonialisme français » se cache un néocolonialisme allemand qui ne se cache plus.
N’oublions pas que l’Allemagne fut une grande puissance coloniale en Afrique et en Europe.
Grand ami de la Turquie, l’Allemagne soutien de manière indéfectible le régime islamiste en Tunisie.
Derrière sa politique d’immigration « choisie » l’Allemagne picore les meilleures compétences tunisiennes pour les importer, laissant à la France les flots de migrants sans qualifications.
Sur le plan diplomatique, il est important de noter que la France ne critique pas et n’envoie pas de délégations en Tunisie.
Peut-être serait il utile de revoir la relation avec le premier partenaire mais aussi le premier ami de la Tunisie, la France, pour une meilleure coopération qui coupe avec la lignée de Nicolas Sarkozy en matière de diplomatie et qui ouvre les yeux des tunisiens sur leurs vrais ennemis.
Les dernières déclarations adressées par le Président Emmanuel Macron à son homologue Tunisien Kaies Saied à la suite des décisions du 25 juillet 2021, témoignent d’un grand degré de maturité dans les relations bilatérales qui tranche nettement avec les fluctuations de ses deux prédécesseurs.