fti - Les retraités tunisiens en France, fragilisés par la pandémie

La crise sanitaire de 2020 a eu un effet amplificateur sur les inégalités et les fragilités de toutes sortes.

Pour les tunisiens de France, la crise sanitaire a laissé des séquelles irréversibles et fatales pour certains, déstabilisantes pour certains et notamment pour ceux qui ne disposent pas d’un emploi et d’un ancrage social.

Travailleurs précaires et étudiants tunisiens établis en France ont bénéficié de l’assistance du tissu associatif franco-tunisien et des aides de l’Etat tunisien et Français, qui ont contribué a amoindrir l’impact percutant de la crise et de sa lenteur.

La déconnexion des premiers travailleurs tunisiens en France dans les années 60, de l’espace numérique et des RS qui ont servi de relais ou de mise en relations  a creusé davantage leur souffrance souvent très solitaire.

Coupés de leurs familles, des associations tunisiennes, des services consulaires et des liens sociaux ces retraités vivent de manière extrêmement pesante les effets pervers de la pandémie.

Nous sommes rapprochés de certains de deux retraités d’entre eux sur leurs points de rencontre au 18 ème arrondissement de Paris, Touhami, 72 ans, originaire de Kasserine et Ali 69 ans, natif de Ghomrassen.

Touhami est arrivé en France au milieu des années 70 pour travailler dans une usine du coté de Vitry-le-François en confiant l’éducation de ses  4 enfants laissés à leur mère restée en Tunisie. Il nous confie qu’il « a pris l’habitude de vivre seul, et que le choix de rester en France après sa retraite n’est pas opéré uniquement pour bénéficier du minimum vieillesse de 900 euros/ mois, mais pour avoir la paix et la tranquillité loin de son épouse râleuse » avec un sourire malicieux et des yeux pétillants , mais il reprend aussitôt un air plus grave en nous disant que : «sérieusement, à mon âge je me retrouve dans l’obligation de rester en France pour fuir la négligence des hôpitaux publics tunisiens qui ne cessent de se détériorer depuis quelques années, en France je me dis que malgré l’éloignement je peux me faire soigner correctement…même si le virus risque de m’achever seul, loin de miens… »

La même angoisse pèse sur son ami Ali, plus jeune mais d’apparence plus marquée par le temps et par la maladie que Touhami, Ali poursuit : « j’ai quitté la région lyonnaise après mon divorce avec la mère de mes deux enfants, étant plus jeune je rentrais régulièrement en Tunisie mais aujourd’hui avec ma petite retraite et ma petite santé, je préfère rester dans mon petit studio de 15 mètres carrés du coté de Montrouge », il poursuit avec une voix fatiguée « même si je n’étais pas soumis à l’obligation de rester en France plus de 6 mois dans l’année pour toucher mon minimum vieillesse, je n’aurai pas un endroit ou rentrer en Tunisie, bien qu’elle me manque terriblement, mon ex femme et mes enfants vivent à Lyon et cela fait plus de 7 ans qu’ils ne me parlent plus, mes trois frères sont morts , je n’ai plus aucune attache ni ici, ni là-basle premier confinement du mois de mars dernier a été difficilement supportable pour moi, car enfermé seul dans une boite de quelques mètres carrés, j’ai réalisé à quel point la crise du coronavirus pouvait être fatale pour moi…sans le moindre contact avec l’extérieur, j’ai sombré dans la détresse et la question de savoir ou je serai enterré en cas de pépin me hantait l’esprit jour et nuit…heureusement que là au moins je peux sortir et rencontrer de temps en temps quelques vieux amis tunisiens…cela m’aide beaucoup… »

C’est sur ces mots durs, que nous terminons nos échanges avec ces deux retraités tunisiens rencontrés à Paris avec plein de questions qui effleurent nos esprits sur l’implication des représentations consulaires tunisiennes en France dans la vie des tunisiens, sur la dégradation des  services de santé en Tunisie et sur la nécessité de voir un jour les associations tunisiennes en France se retourner vers ceux qui sont plus fragiles que tous les autres….