Mouna Tabei FranceTunisieinfo - Mouna Tabei, juriste constitutionnaliste nous éclaire sur l'article 80

Dans une interview accordée à FranceTunisieInfo, Mouna Tabei, juriste constitutionnaliste et activiste de la société civile a accepté de répondre aux interrogations relatives au fameux article 80 de la Constitution, qui semble aujourd’hui en phase de reconstruction de la IV ème République Tunisienne, nous partageons avec nos lecteurs l’avis de la constitutionnaliste sur la question:

« Le 25 juillet 2021, la Tunisie a connu de larges manifestations dans tous les gouvernorats proclamant la dissolution du Parlement et la destitution du Chef de Gouvernement.

À la suite de ces manifestations le Président de la République a répondu à la demande des citoyens en déclarant :

  • Le gel de l’activité parlementaire et la levée de l’immunité pour tous les députés,
  • Le limogeage du Chef de Gouvernement et la nomination d’un nouveau premier ministre et d’un nouveau gouvernement qui seront responsables devant le Chef de l’Etat.

Ces mesures déclarées seront accompagnées par d’autres mesures prévues pour les jours qui suivent, telles seront précisées par le président de la République.

Ce schéma correspond au recours prévu par l’article 80 de la Constitution tunisienne de 2014 relatif à l’état d’exception.

La mise en application des dispositions de l’article 80 de la Constitution et l’entrée de la Tunisie dans l’état d’exception a surpris non seulement les détenteurs des pouvoirs mais aussi différentes parties prenantes ( politiques, société civile, organisations nationales et internationales…).

La qualification des mesures adoptées par le Chef de l’État le jour de la fête de la proclamation de la République a suscité l’intérêt de l’opinion publique tunisienne et internationale.

Les propos semblent être divergents sur ce fait, toutefois et malgré le recours du président de la République à une large interprétation des dispositions de l’article 80, nous considérons que les mesures adoptées relèvent plutôt des mesures exceptionnelles et nécessaires pour la gestion de la crise actuelle et de l’état d’exception.

Rappelons à cet égard que cette situation impose par essence une reconnaissance de prérogatives exceptionnelles au profit du Président de la République à condition qu’elle soit limitée dans le temps et ayant pour objectif de rétablir l’ordre mis en péril.

Les craintes exprimées quant à la garantie et à la protection des droits et libertés des individus en cette période critique sont légitimes. Nous estimons que le pouvoir juridictionnelle est tenu de prouver qu’il en est le meilleur garant et que la société civile veille sur la préservation de nos acquis. »

Mouna Tabei